Sur les traces ardéchoises d’une énigme : La bête du Gévaudan

Pierre Antoine Courouble

Lors de son séjour en Ardèche, à la fin juillet 2021, Cathy eut connaissance que le site du stage se trouvait à une quarantaine de minutes en voiture du bourg de Saint-Etienne-de-Lugdarès qui est l’un des lieux historiques de l’affaire de la « Bête du Gévaudan » qui défraya la chronique et terrifia la population locale une vingtaine d’années avant la Révolution. Elle ressentit un appel intérieur pour animer une investigation spirituelle de groupe sur ce cette étrange affaire qui constitue l’un des plus grands mystères de la seconde moitié du XVIIIe siècle. Cathy a donc décidé de proposer – uniquement pour les stagiaires qui le souhaitent – de consacrer la dernière journée du stage d’été à une sorte de « pèlerinage » dans le « Pays de la Bête » qui prendra la forme d’une investigation historique doublée d’une possible mission de réparation sur le plan énergétique et spirituel…

A l’origine géographique d’un fléau

Le 9 février 2022, Cathy, Marine et moi-même nous sommes rendus dans la commune de Saint-Etienne-de-Lugdarès celle-là même où fut tuée la première victime officiellement déclarée de la « Bête du Gévaudan ». Il s’agissait de Jeanne Boulet, une jeune fille de quatorze ans, qui surveillait un troupeau de vaches et qui fut tuée et dévorée le 30 juin 1764. Il s’en suivra un carnage qui terrorisera la région pendant trois ans, tuant plus d’une centaine d’enfants, de jeunes filles ou de femmes et blessant ou agressant plus de 150 autres personnes. Les historiens, qui ont étudié l’affaire, estiment que le nombre réel des victimes tuées serait en réalité plus proche de 500 ! Sur place, nous avons pu visiter une exposition permanente consacrée à la « Bête du Gévaudan » qui est installée dans la chapelle de l’ancien couvent. Il s’agit d’une remarquable exposition de 44 tableaux réalisée par l’artiste Gérard Lattier. Ils ont pu rencontrer Madame Benoit, maire de la commune, ainsi que Monsieur Brun, un érudit local. Ces deux personnes leur ont communiqué de précieuses informations historiques sur Jeanne Boulet. Pierre Antoine a pu mettre Mme Benoit directement en en relation téléphonique avec l’écrivain-journaliste Jean-Claude Bourret qui a étudié le sujet pendant une trentaine d’années et contribué à la reconstitution physique exacte de la « Bête » en grandeur nature d’après les descriptions établies par les deux chirurgiens du roi qui en avaient fait l’autopsie en 1767. La reproduction de la « Bête » va ainsi rejoindre l’exposition et la chapelle durant tout l’été 2022. Grâce à Monsieur Brun, nous avons pu découvrir la ferme familiale où vivait la petite Jeanne, le lieu exact où elle a été agressée et l’endroit précis où son corps a été retrouvé en contrebas.

Le hameau des Hubacs à Saint-Etienne-de-Lugdarès

Rappel historique

Suite à la mise à mort de Jeanne Boulet, les agressions meurtrières vont se multiplier et plonger la province dans l’effroi pendant trois longues années. Les deux tiers des victimes ont entre 8 et 15 ans, les autres sont de jeunes adultes, essentiellement des filles ou des jeunes femmes. La vulnérabilité des sujets et leurs cadavres mutilés choquent la population. Une « psychose collective » s’installe, alimentée par la rumeur d’un monstre protéiforme, qui emprunterait les traits de créatures diaboliques. Ces épisodes sanglants et mystérieux font couler beaucoup d’encre. La presse, avide de sensationnel, relaie l’affaire dans les gazettes françaises puis européennes, lui donnant l’ampleur du premier fait divers de l’époque.

Devant l’ampleur et la tournure que prennent les choses, Louis XV fait de sa résolution un enjeu national et s’implique personnellement. Il dépêche ses propres envoyés pour coordonner les opérations, mais les dragons du capitaine Duhamel, puis les seigneurs normands d’Enneval père et fils échouent. Les résultats sont d’autant plus décevants qu’il y a d’incessantes battues impliquant dragons, louvetiers et porte-arquebuse du roi. Devant leur impopularité grandissante auprès de la population qui est lourdement sollicitée pour les battues (celles de 1765 compteront jusqu’à trente mille personnes, paysans pour la plupart), Louis XV décide d’envoyer son porte-arquebuse attitré, François Antoine. Ce dernier réussit à abattre le 21 septembre 1765, dans la forêt des Chazes, un énorme loup de 50 kg (les loups normaux n’en font que la moitié). La « Bête », ou ce qui alors en tenait lieu, porte des traces de blessures cicatrisées et est reconnue par des victimes survivantes. Sa dépouille, naturalisée, est envoyée à Versailles, où Antoine est accueilli triomphalement. Elle est déposée au Cabinet du Roi, futur Muséum national d’histoire naturelle. Pour le roi Louis XV et la Cour, l’affaire est close et la crise du Gévaudan réglée. Mais hélas, les attaques reprennent en décembre 1765. Les autorités, ayant officiellement classé l’affaire, s’en désintéressent, concluant à des coïncidences. Le pays du Gévaudan va devoir vivre presque encore deux ans avec « sa Bête », qui fera cependant sur cette période moins de victimes (une trentaine). Jusqu’en 1767, les battues sont désormais conduites par les seigneurs gévaudanais. Et c’est au cours d’une chasse commanditée par le marquis d’Apcher, dans le bois de La Ténazeyre, que le 19 juin 1767, un chasseur, Jean Chastel, abat un second « grand loup ». Mais cette fois-ci, la bête est non seulement identifiée par les témoins, mais autopsiée dès le lendemain par deux chirurgiens qui établissent un rapport d’autopsie très détaillé avec toutes les mensurations précises. Il corrobora parfaitement tous les témoignages et rapports de la marée-chaussée de l’époque. Jean Chastel a tué une bête reconnue comme étant « LA Bête » par de nombreux témoins, y compris des rescapés d’attaques, dont la description mentionne qu’elle fait penser à un loup sans toutefois en être un. Les attaques cesseront à compter de ce moment. Ainsi s’achèvent ces terribles événements.

La maison où vivait Jeanne Boullet.

De nombreuses questions restées sans réponse

Son ubiquité et invulnérabilité : La bête fut aperçue dans un très faible intervalle de temps en des lieux distants de plusieurs kilomètres les uns des autres. Alors qu’elle avait été prise pour cible par des tirs de mousquets et apparemment blessée, elle réapparaissait ailleurs sans aucune blessure. Était-elle multiple ?

Sa familiarité et son audace avec l’homme : La bête ne semble pas craindre l’homme, lorsqu’elle rencontre une résistance de la part d’une victime, elle s’éloigne pour se faire discrète puis revient à la charge. Aucun de ces comportements ne correspond à celui des grands carnassiers à l’état sauvage. Était-elle un animal apprivoisé, dressé et entraîné à tuer ?

Son goût pour la chair humaine : La bête ne s’intéresse qu’à la chair des femmes et des enfants. Si elle attaque parfois des animaux, elle ne s’en nourrit pas alors qu’elle dévore toujours ses victimes humaines. On a même pensé à un moment à l’œuvre d’un tueur sadique, d’autant que certaines victimes ont été retrouvées dénudées avec des habits, non déchirés, disposés à distance. A-t-elle été utilisée pour de sordides mobiles ?

Son ahurissante férocité : La « bête du mal » ne semble pas attaquer uniquement sous l’impulsion de la faim mais fait preuve à la fois d’une incroyable « intelligence » mais aussi d’un étrange acharnement sur ses malheureuses victimes. Elle a la capacité physique de leur trancher net la tête, une pratique qui n’a jamais été observée par les éthologues sur aucun grand carnivore (loups, lions, etc.) Était-elle le résultat d’un croisement entre deux prédateurs carnivores ?

Son apparente invisibilité : On s’étonne de sa capacité à totalement disparaître et d’échapper aux nombreuses battues qui ont été menées notamment en l’an 1765 lorsque celles-ci réquisitionnèrent 30 000 hommes ! A-t-elle été dressée et a-t-elle bénéficié de protections dans un espace caché ?

Sa filiation avec la famille des loups : Les loups chassent généralement en meute, et un loup, même affamé, craint l’humain, surtout s’il est seul face à lui. Le loup était un animal très familier dans les campagnes de l’époque et aucun des témoins survivants ne l’a qualifié comme tel mais tous recouraient au terme de « Bête ». Seule la partie postérieure de l’animal évoquait la physionomie d’un loup. La créature était-elle le résultat d’un croisement entre un canidé et un loup ?

L’étrange rôle de la famille Chastel : Jean Chastel a tué la bête le 19 juin 1767 après avoir fait bénir des balles qu’il affirmait avoir confectionnées en faisant fondre des médailles saintes. L’animal a été tué par le devant, dans des conditions tendant à faire penser que le monstre était familier avec son chasseur. De plus, sa mort était la conséquence d’une petite battue rassemblant douze hommes avec Chastel dans une forêt immense entourant le Mont Mouchet. La probabilité qu’un animal aux abois se fasse prendre dans les mailles du filet d’une battue aussi modeste sur une superficie aussi vaste parait à peu près nulle. Par ailleurs la famille Chastel, le père et ses deux fils, était fort peu appréciée au pays et fut accusée très tôt d’être impliquée dans l’affaire. Le père avait d’ailleurs été incarcéré au début de l’affaire avant d’être relâché. Jean Chastel a-t-il planifié la mort de la bête dont il était le gardien ?

La position ambigüe du clergé et de la noblesse : L’influence de la famille Choiseul ne doit pas être sous-estimée dans cette affaire. En effet, si le duc Etienne-François de Choiseul est le plus proche ministre du Roi, son cousin n’est autre que le comte-évêque Gabriel-Florent de Choiseul-Beaupré qui fut à la fois l’évêque de Mende et le comte du Gévaudan, réunissant à la fois sous son autorité le pouvoir religieux et temporel. Ce dernier qualifia la bête de fléau divin et donna une dimension mystique à cette affaire. Il prononça un discours le 31 décembre 1764, dans la cathédrale de Mende, qui fut relu à la messe par les prêtres du diocèse.  La Bête était un fléau de Dieu qui avait été envoyé pour punir les parents et surtout les femmes dans leurs péchés de chair en dévorant celles-ci et leurs enfants. Il les incite à prier et faire acte de repentance. Quel fut le rôle occulte joué par l’église et de la noblesse ?

A noter qu’on ne peut exclure, bien que cela paraitrait marginal, qu’il y ait eu des attaques isolées d’un ou de plusieurs criminels qui auraient profité de l’opportunité d’un contexte de terreur ambiante pour perpétrer d’infâmes crimes leur permettant d’assouvir de bas instincts. Cependant aucun document d’archives ne permet d’étayer cette piste, pas plus qu’il n’y a de preuves permettant d’accuser la noblesse locale d’avoir couvert ces agissements.

La théorie Jean-Claude Bourret

Depuis une trentaine d’années Jean-Claude Bourret a consacré plusieurs ouvrages sur le sujet, étudiant attentivement tous les rapports d’époque de la Maréchaussée, ceux établis par les curés des paroisses touchées, ainsi que ceux des autorités officielles représentant le roi. Il a surtout pris l’initiative, il y a quelques années, de faire ce qui n’avait jamais été fait depuis 250 ans : réunir un groupe de spécialistes afin de procéder à la reconstitution physique la plus exacte de la bête. Une reconstitution grandeur nature, au millimètre près dans ses proportions et son apparence d’après les nombreuses mensurations et descriptions qui ont été effectuées dans les rapports d’autopsie effectué par les deux chirurgiens du roi lorsque la « bête » fut tuée en 1767.

On découvre ainsi un canidé énorme de 57 kg (les loups pèsent 20-25 kg) qui était doté d’une colossale musculature, d’un arrière-train de loup et d’un avant-train de chien impressionnant du type « molosse ». Cette race qui remonte à l’Antiquité, était l’ancêtre du Mastiff, du Saint Bernard et du Dogue allemand. Elle fut utilisée par les Grecs et les Romains comme chien de guerre pour le combat. Ce canidé autopsié était impressionnant : il avait une gueule énorme, dotée d’une dentition impressionnante avec une immense langue de 37,8 cm. La gueule articulait de puissantes mâchoires sur lesquelles les chirurgiens prélevèrent six livres de muscles. Des yeux rouge cinabre, une queue levretée rougeâtre sur les côtés, une grande raie noire sur le dos, des pattes très puissantes qui s’apparentaient à celle d’un gros chien plutôt que d’un loup. Sur le poitrail, on trouvait une tache blanche en forme de cœur, particularité que tout le monde avait décrite, et qui était bien la signature des chiens de combat de l’armée romaine.

Molosse romain. La bête du Gévaudan reconstituée.

Mise en perspective occulte et spirituelle

Au-delà de la possibilité d’apporter – peut-être – quelques éléments factuels de réponse à l’énigme historique de la Bête du Gévaudan grâce à une exploration énergétique et clairvoyante du sujet sur le site de Saint-Etienne-de-Lugdarès, Cathy souhaite que l’affaire du Gévaudan soit appréhendée spirituellement dans une perspective plus globale.

Dans le temps, d’autres monstruosités comparables ont précédé ou continué l’affaire du Gévaudan. Ces créatures redoutables ressemblaient en tous points, y compris comportemental à la « Bête du Gévaudan ». Ainsi, il y eut la « Bête d’Evreux » qui dévora une trentaine de femmes et d’enfants en 1632. « La bête de Touraine » désigne un ou plusieurs animaux anthropophages à l’origine d’une série d’attaques sur des humains en 1693. En tout, 250 personnes auraient péri en un an et demi sous les crocs de cette bête. En 1734, « La bête de Trucy » aurait tué vingt-huit victimes répertoriées.

Après l’épisode du Gévaudan, et non loin de là en Aveyron, « La Bête de Veyreau » sévit, à partir de 1799, dans le « Causse Noir ». Des attaques qui auraient fait des dizaines de victimes et qui remplirent les habitants d’une telle frayeur qu’ils crurent que la bête du Gévaudan était venue chez eux. Dix ans plus tard, « La Bête du Vivarais » appelée aussi « La bête des Cévennes » sema la terreur aux confins des départements de la Lozère, du Gard et de l’Ardèche pendant plus de sept ans, de 1809 à 1817. Elle fit au moins 39 victimes, essentiellement des femmes et des enfants tous affreusement mutilés dont six avaient été même décapités ! Prenant quasiment la relève dans une autre zone géographique, « La Bête de l’Auxerrois » se montra quelques mois en 1817, le temps de dévorer deux enfants, de blesser plusieurs personnes, avant de disparaître sans laisser de traces comme elle était apparue.

Au-delà du temps, quelles réalités énergétiques et occultes se cachent derrière ces atrocités ?  Certains égrégores reliés au passé et au bas astral entrent-ils en jeu ? De nombreux rituels remontant à l’Antiquité, voire à la Préhistoire, évoquent des sacrifices humains et notamment d’enfants, pour obtenir les grâces de divinités païennes. Dans la Bible, le culte de Moloch est lié à des sacrifices d’enfants par le feu. A Carthage, jusqu’à l’époque des guerres puniques, on sacrifiait des enfants à Ba’al Hammon. Afin d’adoucir le courroux des dieux, la pratique des immolations était une vieille pratique dans les cités antiques. À Rome, la mise à mort de vestales constituait un sacrifice à caractère magique, où l’on offrait des victimes vierges et « sans tache » à des dieux infernaux afin d’obtenir des victoires militaires.

Les affaires des bêtes dévoreuses d’enfants et de femmes ont-elles constitué des résurgences incarnées d’égrégores ou d’entités du passé ? Quel travail de guérison alchimique est-il possible de faire aujourd’hui pour réparer ces blessures du passé et éviter qu’elles ressurgissent sur de nouvelles formes d’infanticides ou de féminicides ?

Coïncidences ou conspiration de l’univers ? Saint-Etienne-de-Lugdarès porte le nom d’un Saint qui fut le premier martyr de la Chrétienté mais aussi Patron des fondeurs et des tailleurs de pierres. Le lieu-dit porte aussi le nom du dieu celte « Lug » qui signifie « lumière » et du dieu de la guerre « Ares » ou Mars. Autre curieuse coïncidence, linguistique cette fois, en Occitan « louve » s’écrit « loba » mais se prononce « louba » et « res » vient du verbe « ressar » qui signifie « scier », « trancher » …

Lors de cette journée qui clôturera la semaine, Cathy Doutement vous proposera d’utiliser tous les outils appris durant le stage, afin que puisse se réaliser un travail d’alchimie intérieure et de guérison extérieure. Un travail qui permettra la transformation alchimique de la pulsion brutale de la Bête par la Force-Douceur de l’énergie Christ-Marie-Madeleine. Un travail qui transmutera, dans le creusot de notre cœur conscient, l’énergie rouge de mars, en un cristal vert émeraude, celui de l’Eveil.

Le 9 février 2022, sur la place de Saint-Etienne-de-Lugdares,Marine, Cathy et Pierre Antoine devant la statue de la Bête
%d blogueurs aiment cette page :